2013
Vraisemblances
Produite par EXPRESSION, l’exposition Vraisemblances était également présentée au Musée Régional de Rimouski du 16 juin au 15 septembre 2013. L’exposition était accompagnée d’une publication coéditée par les deux institutions muséales.
Photographe, fabricante d’images vraisemblables, artiste à la fois poète et engagée, Isabelle Hayeur est connue pour ses paysages faisant appel au montage photographique grand format, à la vidéo et à l’installation in situ. Caprice du langage, le terme « paysage » convient à la fois pour qualifier l’œuvre et l’espace physique représenté. Ce faisant, peut-on créer une image de paysage inexistant ? Ambigüité qui sied bien à la démarche de cette artiste québécoise qui façonne fort habilement des représentations crédibles, pourtant sorties de l’imaginaire. La réception en deux temps de ces œuvres nous invite d’abord à percevoir le côté séduisant de ces paysages plausibles, puis à comprendre que nous sommes en présence d’images composites qui amalgament parfois plusieurs fragments d’origines diverses. Devant ces photomontages finement réalisés, le spectateur est appelé à douter. Or, cette introduction de la notion de doute, au sein même de la photographie – qui appelle à son tour le sens critique du fabricant, du regardeur, du regardé –, constitue un changement significatif dans la perception de ce mode de saisie du réel qui était pourtant reconnu jusqu’à tout récemment comme l’ultime façon d’établir les faits. En conséquence, la photographie en tant que certitude est exclue de la démarche de cette artiste, ce qui ne l’empêche pas, au contraire, de proposer, intensément, une quête de vérité qui s’appuie sur la nécessité d’une prise de conscience de ce qui gît sous la surface. En somme, avec Isabelle Hayeur, le paysage devient une présentation, plutôt qu’une représentation, et la photographie n’est plus — l’a-t-elle déjà été ? — synonyme de preuve, de certitude.
Dans cette exposition intitulée Vraisemblances présentée à EXPRESSION, nous retrouverons des séries d’œuvres photographiques et vidéographiques réalisées sur une période de dix ans, de 2003 à 2012. On y verra des réalisations inédites et d’autres déjà exposées tirées des séries Destination, Maisons modèles, Excavation et Underworlds.
Visite commentée et vernissage le samedi 26 janvier 2013 à 14 h
Un maître et ses élèves devenus artistes
Au vu des œuvres d’André Robert, on reconnaît des influences européennes, américaines et québécoises, comme autant de renvois aux tendances fortes en arts visuels ; on pense en particulier au Optical Art de Vasarely, au pop art de Warhol, à la peinture psychédélique, à l’impressionnisme et au pointillisme. Le dessin est maîtrisé, les proportions sont irréprochables, l’équilibre des masses est frappant, la ligne est courbée, la plupart du temps, au point où l’on imagine aisément le geste de l’artiste, ce coup de poignet qui lui est typique, ressenti par le spectateur, telle une sensation de mouvement, de rotation. Dès le début de sa carrière, André Robert s’appuyait sur une solide connaissance des grands peintres — Goya, Bosch, Cézanne, Matisse, Renoir, Seurat — et des artistes d’avant-garde — Braque, Picasso. Ici, on reconnaît l’influence de Van Gogh, là, le dripping de Pollock — l’artiste n’utilisant toutefois pas la technique du dripping, mais plutôt son fidèle pinceau étroit. Plus près de nous, notons que Riopelle et Pellan faisaient partie de son champ d’exploration. Peintre accompli, artiste prolifique, on trouve aujourd’hui dans l’atelier d’André Robert, au sous-sol de sa maison maskoutaine, un nombre impressionnant d’œuvres abstraites et figuratives réalisées sur une longue période, les premières toiles datant du début des années 1960. En 2012, à l’âge de 72 ans, il peint toujours. Malgré ses doigts qui ne lui obéissent plus avec autant de docilité, il réalise de grands tableaux abstraits où l’on reconnaît cette gestuelle qui le caractérise.
Cette exposition présentée à EXPRESSION veut rendre hommage à cet artiste et enseignant qui a su contaminer, au cours des années 1970, trois élèves du Séminaire de Saint-Hyacinthe devenus aujourd’hui, chacun à leur façon, des artistes indéniablement reconnus par leurs pairs : Dominique Gaucher, Éric Lamontagne et Claude Millette. Le parti pris d’accrochage, qui rappellera celui des Salons du 18e siècle, permettra aussi de présenter quelques œuvres de nos « jeunes artistes » parmi la multitude des œuvres du « maître » qui a su leur insuffler le goût de créer des œuvres d’art.
Visite commentée et vernissage le samedi 25 mai 2013 à 14 h
Paysages canadiens 1988 – 2013
La photographie de paysage de Lorraine Gilbert explore la subtile interaction qu’entretiennent entre elles les topographies de nos habitats, de l’environnement et de la nature.
En 1987, alors qu’elle plantait des arbres en Colombie-Britannique, Lorraine Gilbert a entrepris un projet photo visant à documenter, sur une période de sept ans, l’industrie forestière du point de vue d’une planteuse d’arbres. Elle s’est inspirée de l’esthétique des vues panoramiques des premiers explorateurs du Far West ainsi que de l’approche artistique qu’Ansel Adam a utilisée devant la beauté sauvage des paysages montagneux encore en grande partie intacts même à l’aube du XXe siècle. Résultat de cette expérience, son œuvre Shaping the New Forest témoigne des effets à grande échelle que produit sur l’environnement l’exploitation des ressources naturelles qui prévaut au Canada.
Vingt ans plus tard, Lorraine Gilbert constate que le nouveau paysage de sa province de résidence, le Québec, est modelé par plusieurs paramètres économiques. Les retombées du libre-échange et l’impact de la mondialisation ont donné lieu à une profusion de désastres culturels collectifs et locaux de par le monde : la fin des collectivités agricoles familiales et des petits villages desquels elles dépendaient, les pertes d’emplois occasionnées par la diminution des ressources primaires, l’exode des populations rurales vers les villes. La mondialisation a complètement fait basculer la richesse, provoquant le déclin d’une grande partie de l’Amérique du Nord. Et le Québec ne fait pas exception. Dans Le Patrimoine, on assiste à la lente transformation du paysage culturel sous l’effet de la collision des impératifs environnementaux et économiques. Passant du rural à l’urbain et présentant cette opposition en gros plan, la série The Messengers nous emmène visiter des endroits utilisés par des artistes du graffiti, pas pour admirer leurs œuvres déjà omniprésentes, mais pour voir les détritus qu’ils laissent derrière eux. Les photographies sont des reconstitutions esthétiques du sol sur lequel ils travaillent, leur atelier, pendant qu’ils exercent leur propre forme d’art politique et occupent l’espace public.
Dans son œuvre la plus récente, Once (Upon) a Forest, un diptyque, Lorraine Gilbert adopte une approche totalement différente vis-à-vis du paysage. La haute résolution et la qualité plastique du processus de balayage photographique révèlent toute la complexité et la plénitude d’une forêt boréale mixte au cours d’une saison de croissance. En parallèle, on peut voir qu’en moins de 200 ans, des forêts comme celle-là ont été transformées en un grand nombre de terrains vacants, sans arbres et envahis par les mauvaises herbes, à la périphérie de tant de villes, comme celui-là, juste à l’ouest du centre-ville d’Ottawa, où foisonnent les herbes et les fleurs.
Pour cette exposition, EXPRESSION présente des photographies réalisées sur une période de 25 ans, soit de 1988 à 2013.
Visite commentée et vernissage le samedi 14 septembre 2013 à 14 h
Fréquenter le paysage
Depuis de nombreuses années, Michel Lamothe inscrit au cœur de son travail photographique la notion de paysage. Cette exposition à caractère rétrospectif veut tenter de faire apparaître les différentes formes d’exploration, mais aussi les constantes, de ce qui est bien plus qu’une simple thématique. En utilisant le terme « paysage » pour titrer deux de ses séries d’œuvres, Lamothe a, en quelque sorte, souligné l’importance de cet aspect dans sa production. Car au-delà de la présence des éléments usités du genre, facilement repérables dans de nombreuses œuvres, que l’on pense à la nature (montagne, arbre, cours d’eau, nuage, etc.) ou à la vie urbaine (rue, bâtiments, parc, etc.), son travail questionne de multiples enjeux liés à ce type d’imagerie. Ainsi, les différentes séries développées par l’artiste au fil du temps semblent jouer, chacune à leurs façons, avec l’ambiguïté inhérente aux images, mais aussi avec notre capacité à voir réellement le monde qui nous entoure. Enfin, la rétrospective inclut aussi des œuvres relevant du paysage humain, un sous-genre de la photographie contemporaine exploitant des représentations du corps pour les lire comme de véritables paysages. L’exposition propose donc des pistes permettant de suivre le développement, non pas d’une théorie concertée du paysage, mais plutôt d’une pensée-paysage, pour reprendre une expression de Michel Collot*.
Un 2e volet de l’exposition Fréquenter le paysage sera présenté à Plein sud, centre d'exposition en art actuel à Longueuil, du 2 novembre au 7 décembre 2013.
Visite commentée et vernissage le samedi 9 novembre 2013 à 14 h
* Michel Collot, La Pensée-paysage. Philosophie, arts, littérature, Arles, Actes Sud/ENSP, 2011.